Chris Pollock est peu connu. Ce qui est un signe de talent indéniable pour un arbitre du panel mondial. Numéro un de sa nation, la Nouvelle-Zélande, il a fait ses débuts internationaux en 2009, et n’a, pour l’heure, encore jamais arbitré le XV de France. Pour vous, Esprit de la Règle l’a contacté.
« – Bonjour Chris et merci de nous accorder cette interview. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans l’arbitrage ?
– Flashback en 1997, où, après avoir contracté une blessure, on m’a demandé de prendre le sifflet pour un match de l’école où j’enseignais. Un de mes collègues professeurs, également formateur pour les arbitres, a considéré ma performance acceptable et m’a proposé de continuer pendant la durée de mon indisponibilité en tant que joueur. Je n’ai plus jamais rejoué, et c’est ainsi que tout a commencé !
– Vous êtes international depuis 2009… Y a-t-il un match qui vous a marqué ?
– Tous les matchs internationaux que j’ai arbitrés ont été spéciaux d’une façon ou d’une autre, mais mes débuts au Tri-Nations en 2011 et au Six Nations en 2012 sont deux moments forts.
– Quel a été le match le plus dur à arbitrer ?
– Le match le plus dur que j’ai eu à arbitrer était, je pense, la finale de la Air New-Zealand Cup en 2007 [le championnat néo-zélandais, NDT]. Elle opposait Auckland et Wellington, et je vivais à Wellington à ce moment, ce qui ajouté une pression supplémentaire pour moi.
– Pouvez-vous nous expliquer votre préparation physique ?
– J’aime bien faire du cyclisme et pratiquer le CrossFit [technique de conditionnement physique, NDT], donc la majorité de mes entraînements se passe soit sur mon vélo, soit en salle de gymnastique pour travailler sur des exercices courts mais intenses.
– Avez-vous des rituels d’avant-match ? Quelle pression avez-vous avant de rentrer sur le terrain ?
– Je n’ai pas vraiment de rituels autres que de regarder les deux équipes, et m’assurer que j’ai fait toute ma préparation physique et mentale. Cependant, je pense que la pression monte pendant les matchs, peu importe leur niveau…
– Êtes-vous, vous aussi, un adepte des sifflets Acme ?
– Oui, j’utilise également un Acme Thunderer.
– Quel est le principal rôle d’un arbitre selon vous ?
– L’arbitrage, c’est comprendre le jeu d’abord, et ensuite comprendre les gens et la façon de les gérer. N’importe qui peut lire le livret des règles et dire que telle décision est juste ou pas, mais savoir quand siffler ou éviter de le faire demande plus de compétences. Pour moi, c’est ça, l’art de l’arbitrage… De même, avoir la capacité de gérer trente joueurs sur le terrain est effectivement primordial dans l’arbitrage, et c’est ce qui distingue un arbitre débutant d’un arbitre de classe mondiale.
– Toujours selon vous, quel est l’aspect le plus dur de l’arbitrage ?
– Il n’y a aucun doute dans mon esprit : ce sont les mêlées et les regroupements. Si vous pouvez contrôler ces deux phases de jeu, votre arbitrage en sera plus serein. La raison pour laquelle ces deux phases sont dures à maîtriser, c’est parce que tout est dynamique et se passe très vite.
– Vous avez récemment arbitré un test match des Lions contre l’Australie… Considérez-vous qu’il s’agit d’un évènement à part ?
– Il a été agréable d’être impliqué dans cette belle tournée des Lions. Les matchs ont été serrés (à part le dernier), et le public fantastique. Je pense aussi que cela a permis de révéler les vrais visages des deux entraîneurs, l’un poli et diplomate, quant à l’autre…
– Parlons maintenant des nouvelles règles en mêlée… est-ce dur pour un arbitre de devoir changer ses commandements ? Cela perturbe-t-il les habitudes ?
– J’ai vraiment apprécié ces nouvelles règles en mêlée, et je pense que c’est beaucoup plus facile à arbitrer qu’avec les anciens commandements. Rapprocher les packs permet de réduire l’impact et accroit les chances de stabilisation.
– Avez-vous des conseils à donner aux jeunes arbitres ?
– Deux choses… Essayez d’une part de comprendre comment le jeu est pratiqué : passez autant de temps que vous pouvez à regarder du rugby et allez aux entraînements de votre équipe. Profitez par ailleurs de chaque occasion d’arbitrer : nous n’avons généralement que 80 minutes par semaine pour nous améliorer, il vous faut donc trouver d’autres moyens de vous entraîner. Découvrez d’autre part quelle personne vous êtes : quelles sont vos forces et vos faiblesses, comment vous voyez vos relations avec les autres et comment vous voulez qu’ils soient avec vous. Une fois cela réalisé, vous pourrez construire votre arbitrage avec votre personnalité. Nous sommes tous différents, et nous apportons tous des forces à l’arbitrage. N’essayez pas de changer ce que vous êtes, utilisez les meilleures parties de vous-mêmes pour améliorer votre arbitrage.
– Notre question traditionnelle : y a-t-il une anecdote que vous pourriez nous raconter ?
– Lors d’un match, un pilier s’est retrouvé au poste de relayeur et devait sortir la balle pour son ouvreur qui attendait dans l’en-but. Il a jeté le ballon très au-dessus de son n°10, et donc derrière la ligne de ballon mort. Alors que nous revenions sur la ligne des cinq mètres pour jouer la mêlée, j’ai dit au pilier : « Ne faiblissez pas, continuez vos efforts ! » Il s’est alors retourné et m’a lancé : « Je pourrais vous dire la même chose. »
– Nous aimerions clore cette interview sur une touche amusante… La RefCam a été inaugurée en France en fin de saison dernière. Que pensez-vous de cet outil, techniquement… et esthétiquement ?
– Je n’en suis pas un grand fan… Nous sommes là pour arbitrer un match de rugby, pas pour le filmer ! D’ailleurs, nous avons déjà l’air ridicule avec certaines tenues (la rose en particulier), donc nous n’avons pas besoin de faire encore pire en ayant une caméra collée sur le front ! Le public nous prend déjà initialement pour des idiots, la plupart du temps ! »
Nous tenons à remercier chaleureusement la NZRU, qui a répondu rapidement et favorablement à notre demande, et aussi Chris Pollock, pour le temps qu’il nous a consacré. 🙂
L’avis sur la refcam est tres interessant (et l’annecdote tres sympa) bonne interview 🙂
très bonne interview, j’ai bien aimé. je trouve même ça important, car ça peut permettre de mieux comprendre les difficulté qu’on les arbitres, mais aussi à accepter que se ne sont que des humains, et qu’ils peuvent donc faire des erreur.
Complètement ! Nous sommes ravis que cela t’ait plu. 🙂
d’ailleurs, sur la refcam, on à l’avis de pollock, et le votre ?
Je pense que c’est intéressant tant que ça ne perturbe pas l’arbitrage. Il ne faut pas que ça gêne l’arbitre physiquement, et il ne faut pas que des contestations émanent à la vue de ces images.
Mais sinon c’est plutôt sympa !