Lettre à Cricri

Cher Christophe,

Les trois derniers coups de sifflet du match entre le Stade Français et Montpellier, le 16 mai 2015, ont matérialisé un peu plus que la fin d’un match.

Quand les commentateurs d’une chaîne cryptée bien connue ont annoncé lors de l’avant-match que tu donnerais tes derniers coups de sifflet en Top 14 ce jour-là, on a eu un choc en réalisant que ce championnat se situait à 80 minutes de la retraite d’un de ses acteurs les plus fidèles et reconnus.

Plus de 200 matchs de première division professionnelle française (et si les noms ont changé plusieurs fois, les acteurs, eux, sont restés les mêmes), plus de 50 matchs de Coupe d’Europe (avec un titre d’ex-recordman, fraîchement dépassé par Romain Poite), une bonne vingtaine de Tests dont du Tier One… les statistiques sont éloquentes, tout comme l’ont été les récompenses et les moments de gloire arbitrale.

Deux finales de Top 14, en 2010 et 2014, pour le premier et seul titre de Clermont-Ferrand à ce jour (ce qui fait de toi le seul arbitre à avoir vu l’ASM gagner en finale), mais également pour le premier titre de Toulon depuis leur retour dans l’élite. Ces deux clubs sortaient chacun de deux finales perdues consécutives. En ce qui te concerne, le nombre de deux finales demeure bien loin d’être anodin quand l’immense majorité des finalistes n’ont été ainsi récompensés.

On notera également une finale de Pro D2 en 2011, et bien sûr une finale de Coupe d’Europe (la petite, certes) qui sonnait à l’époque comme une vraie reconnaissance et une précieuse récompense, bien méritée.

Un match au centre (le second Test, qui s’est avéré être le match décisif) durant la Tournée des Lions en 2009 — tournée ponctuée par des incompréhensions majeures de Bryce Lawrence (qui officiait également), et par cette pénalité sifflée à juste titre durant la dernière minute, qui donnera la victoire à l’Afrique du Sud après un match incroyable.

Et puis, tous ces matchs majeurs, ces demi-finales, ces affiches importantes, traversés le plus discrètement possible, avec peu de heurts même s’il y en a eu quelques-uns (on y reviendra après), tous ces éléments qui ont fait de toi un des symboles du rugby français de ces dernières années : tout le monde connaissait Christophe Berdos, tous les joueurs, tous les commentateurs, tous les supporters, et c’est ce qui va ajouter un peu de tristesse au début de la nouvelle saison ; on ne se rend compte d’un manque que lorsque ce qui l’occasionne est parti.

Les heurts, les critiques : difficile d’y échapper en 200 matchs. Ce barrage entre Clermont et le Racing (pour une recommandation au central et un jugement de tir au but) a fait couler beaucoup d’encre, en particulier à cause de la langue de Pierre Berbizier (que les auditeurs de Canal+ savent extrêmement compliquée à arrêter). Alors oui, on pourrait épiloguer sur cette année 2010 qui t’a vu gagner de belles choses avec cette finale, mais aussi tant perdre (le respect de ce même Berbizier, ou encore la position de numéro 1 français au panel), mais non. On finit par occulter les mauvais souvenirs, les mots blessants — même si certains sont devenus célèbres.

Nous, ce qu’on retiendra, c’est le sourire de la réception d’après-match. Le sourire d’un mec qui aime le rugby et la discrétion, le sourire du trente-et-unième joueur. Quoi de plus beau qu’une sortie discrète sur le terrain, et un peu plus animée après, sur la pelouse du futur champion ?

Alors, ne nous mentons pas : l’arbitrage, les arbitres, restent des éléments soumis à un mouvement perpétuel, c’est la règle du jeu. Mais, même si nous demeurons pleinement conscients que tout le monde ne sera pas d’accord, il nous appartient de rendre hommage aux grands, surtout lorsqu’ils ont fait preuve d’une telle sympathie — vers l’extérieur comme avec les autres arbitres.

Merci Christophe, merci pour tout. Tu vas nous manquer… Mais c’était quand même super.

sexy_berdos

NB : Il serait malvenu pour nous d’oublier qu’un autre finaliste a pris sa retraite en fin de saison dernière, il s’agit bien sûr de Patrick Péchambert, un arbitre qui aimait le jeu, connu pour sa verve, sa truculence, et très apprécié par nos soins pour tous les bons moments passés à le regarder officier. Bon vent, Patrick.

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