Que penser du système expérimental de comptage des points ?

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Le NRC, championnat domestique australien, expérimente depuis le 23 août de nouvelles règles visant à favoriser le jeu et le spectacle, avec notamment une refonte massive du système de comptage des points… Bonne ou mauvaise idée ? — Photo Warren Little, Getty Images

En quoi consiste ce changement ? Avec les réformes sur les remises en jeu rapides, le temps de préparation des mêlées ou encore la possibilité de jouer une pénaltouche trouvée après la sirène, le championnat australien met tout en œuvre afin de favoriser le jeu et surtout le spectacle.

Comment s’organise le nouveau comptage ?

Les pénalités et drops, qui valent normalement trois points, ont été dévalués pour ne plus rapporter que deux points à l’équipe qui les réussit. La valeur d’un essai reste inchangée à cinq points, mais celle de la transformation passe de deux à trois points. Rappelons qu’aux origines de notre magnifique sport, l’essai — comme son nom l’indique — ne valait aucun point en lui-même puisqu’il permettait seulement à l’équipe qui l’avait marqué de tenter un coup de pied (la transformation actuelle). 

Avec ce nouveau système de points, il faudrait quatre pénalités (ou drops) pour revenir à hauteur d’une équipe qui a marqué un essai transformé ! À première vue, cela ne peut être que bénéfique pour le jeu. L’importance des pénalités (et donc de l’interprétation des actions de jeu par l’arbitre) ne sera plus la même, et cela pèsera beaucoup moins dans le résultat final. Mais tout n’est pas aussi simple que ça…

Cela ne peut-il être que bénéfique ?

Certes, cela encouragerait les équipes à davantage jouer l’essai, c’est indéniable ; mais il serait naïf de s’arrêter là. Le rugby est un sport où la roublardise a tendance à rapidement s’installer sans une forte présence de l’arbitre (et encore : avec certaines équipes, même celle-ci peut s’avérer non dissuasive…). Le pouvoir de la pénalité à trois points, qui pouvait coûter très cher sur certains matchs serrés, était extrêmement puissant et maintenait un certain niveau de discipline chez les joueurs.

Avec le passage de la pénalité à deux points, on peut supposer que les équipes subissant un temps faible se mettraient à la faute plus rapidement, la pénalité étant bénéfique pour eux dans la mesure où il y a de fortes chances qu’elle ne soit pas tentée (au vu de son faible poids dans le score total) et cela permettrait à l’équipe en question de jouer la montre ou encore de se replacer… Une pénalité trop dévaluée poserait donc problème puisqu’elle encouragerait l’antijeu — ce qui n’est pas le but de la manœuvre.

Mais cette mesure délaisse surtout un aspect important du jeu : la nécessité de la discipline. Elle est un fondamental ; les grandes envolées aux larges sont bien plus agréables à l’œil qu’une lutte pour le gain du ballon dans un ruck, mais le rugby reste et demeurera un sport de combat. C’est pour cela que les pénalités ont une valeur (trop ?) importante dans le rugby. La diminuer abusivement serait de la négligence envers ce facteur primordial et cela pourrait, à terme, nuire au jeu.

Quelles alternatives ?

Cette importante diminution de la valeur d’une pénalité n’étant visiblement pas la meilleure des solutions, il convient de trouver d’autres options.

Solution 1 : Moins de pénalités.

Il y a quelques années de cela, un changement expérimental des règles avait eu lieu et précisait de ne sanctionner d’une pénalité que les actes de jeu déloyal, les hors-jeux, et les entrées sur le côté. Le reste des fautes étaient lui passible de coups francs. (Bien entendu, les fautes dites « cyniques », dans le but de tuer l’action, doivent être considérées comme de l’antijeu (et donc du jeu déloyal) et sanctionnées d’une pénalité.)

Cette gradation des fautes permettrait de limiter le nombre de pénalités sifflées et donc leur impact sur le score. Toutefois, l’interprétation de l’arbitre concernant l’intentionnalité de certaines fautes serait purement subjective et probablement source de polémique ; de plus les arbitres se retrouvaient très rapidement confrontés à une recrudescence des fautes au sol et se voyaient contraints de sortir de multiples cartons… ce qui nous amène à la proposition suivante.

Solution 2 : Plus de cartons.

Il est également possible de sortir les cartons plus fréquemment, dans le but de sanctionner les tricheurs qui profiteraient de la baisse de la valeur de la pénalité pour commettre plus de fautes. Jouer à quatorze pendant dix minutes peut être très fatiguant, surtout lorsque cela se répète plusieurs fois dans le match. L’équipe adverse, elle, aurait tout intérêt à continuer d’attaquer et donc de contribuer au jeu.

Sanctionner plus durement, plus souvent, peut malheureusement mener, à terme, à la vulgarisation de la sanction ; le carton reste (et doit rester ?) l’argument ultime de l’arbitre. Le recours poussé à ce moyen pourrait détériorer la qualité de la gestion de match si importante dans le rugby de haut niveau.

Solution 3 : L’impossibilité de tenter le tir au but.

L’impossibilité de tenter les pénalités au-delà d’un certain point (les quarante mètres de l’équipe sanctionnée par exemple) pourrait être une solution puisqu’elle permettrait d’éviter que des points soient marqués à la suite d’une faute légère, loin des lignes de but, voire dans le camp adverse. Les pénalités concédées dans ses quarante mètres découlant de fautes à l’importance plus grande, elles pourraient, elles, être converties en points.

Mais cette solution présente l’inconvénient de briser l’unité de terrain dans les options offertes à une équipe bénéficiant d’une pénalité ; il s’agirait d’une modification importante de l’esprit du jeu, pas nécessairement dans le bon sens, pour une solution peut-être inadéquate : est-ce vraiment un moyen d’emmener les équipes vers le jeu ?

Solution 4 : Un autre système de valeurs.

Une autre idée serait de réformer le système de points autrement. Aussi faut-il trouver le bon rapport entre la pénalité et l’essai transformé, que l’on calcule en divisant la valeur de la première par celle du deuxième.

Et l’idéal serait qu’il se situe entre 0,42 (le chiffre français, actuel) et 0,25 (le chiffre australien, testé). Ainsi, en abaissant la pénalité à deux points, il devient superflu d’augmenter la valeur d’une transformation, cela créant un rapport trop faible. Partant de ce postulat, de nombreuses alternatives sont envisageables, notamment celles de passer un essai à quatre points ou une transformation à un point. On obtiendrait un rapport à 0,33 qui semble être l’équilibre presque parfait.

À supposer que réformer soit une nécessité pour un rugby meilleur, cette dernière solution nous semble la plus adéquate. Néanmoins, il convient tout d’abord de se demander si l’on veut vraiment tendre vers une augmentation du temps de jeu effectif, lorsque dans le même temps, on critique le rythme infernal des matchs, qui peut engendrer des blessures chez les joueurs. N’est-ce d’ailleurs pas là le véritable problème ?

6 Commentaires

  1. Pour ma part, la pénalité à 2 points, je suis pour ! Il y aurait moins d’intérêt à tenter systématiquement la pénalité, ça éviterait peut-être que certaines équipes tentent une pénalité à 45 mètres en coin pour qu’elle passe (comme c’est surprenant !) à coté des perches. Par contre, je laisserais bien le drop à 3 points, c’est plus spectaculaire et plus difficile à réaliser qu’une simple pénalité.

    En revanche, l’histoire de dire que le bonus défensif c’est si on perd de 5 points (au lieu de 7), ça me paraît une drôle d’idée. Ça veut dire qu’une équipe menée de 13 ou 14 points n’aura plus d’intérêt à jouer dans les dernières minutes, et surtout qu’une équipe menée de 6 ou 7 points va être tentée de prendre la pénalité plutôt que de jouer la gagne (ou le match nul).

  2. Je n’ai pas creusé l’idée plus que ça, mais pour reprendre un peu votre « Solution 1 », pourquoi pas un « compteur » de fautes mineures, qui deviendraient ensuite majeures ? Bien entendu, on conserverait les pénalités directes, mais on aurait l’avantage d’être un poil plus tolérant « au début » sur des fautes mineures, mais les équipes qui abuseraient verraient plus rapidement cette épée de Damoclès les menacer…
    Ça semble ressembler en grande partie à la solution de misao en fait. ^^

  3. On y a pensé dans notre comité au risque de voir une recrudescence de fautes. Après moultes réfléxions, on se demande si il ne serait pas intéressant d’accompagner ces modifications des règles d’autres modifications, telles qu’autoriser à jouer vite une pénalité même si ce n’est pas pile poil à l’endroit où la faute fut commise. Par exemple, faute sur la ligne des 22m à 2 m à gauche de la ligne de touche. Bah on autorise que les joueurs la jouent vite s’ils se trouvent derrière cette ligne des 22m et à 5m de la ligne de touche. Pour les fautes, un système type handball/basket serait à tester: une échelle de sanctions type avertissement, exclusion temporaire, exclusion définitive accompagnée d’un décompte des fautes type faute personnelle et d’équipe. Sans changer quelque chose d’autre, le risque de voir les équipes faire plus de fautes est bien là! Ce qui irait à l’encontre de l’idée de déppart, à savoir favoriser le jeu.

    1. Effectivement, ta solution pourrait être bien !

  4. Autre solution faire comme au 7 siffler vite pour permettre de jouer rapidement et sanctionner d’un carton blanc les fautes d’antijeu sur occasion d’essai.
    honnêtement je ne pense pas qu’une faute technique (même d’antijeu) méritent d’être marquées sur feuille de match, et d’engendrer des suspensions.
    Pour les pénalisées si elles sont dévaluées par rapport à l’essai, je pense que les équipes se dépêcheront

    1. Les actes d’antijeu ont toujours été sanctionnés d’un jaune… Il s’agit simplement d’en sortir plus souvent : ce qui, nous l’expliquons, peut nuire à une gestion de match.

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